T’auras pas l’air nounoune

J’ai, comme presque toutes les femmes que je connais, vraiment très souvent le syndrome de l’imposteur. J’ai l’impression de ne pas en savoir assez, de ne pas être cultivée, de ne pas être assez talentueuse. Dans ma tête, le monde est meilleur que moi – même dans les affaires dans lesquelles, to be honest, j’excelle.

Le doute est toujours là. Même quand je prends la parole publiquement. Même quand je dénonce. Même quand on me demande mon opinion. J’en sais-tu assez? D’un coup que j’dis de la marde? Pis si les gens me trouvent niaiseuse? You probably know the feeling. J’ai longtemps (et je suis encore, sans rire) complexée de ne pas avoir lu tous les grands auteurs et les livres importants sur les sujets que j’aborde souvent. Une féministe qui a pas lu Simone de Beauvoir ou Judith Butler. What a shame, amirite? J’ai pas fait d’études en politique ni en droits des femmes. J’ai un p’tit science humaine, un p’tit bac en comm. J’ai appris sur le tas, comme on dit. Pis sur internet. Pis sur les réseaux sociaux. Pis en rencontrant des femmes extraordinaires. Pis en débattant. Pis en me trompant, souvent. Pis en me faisant reprendre. Pis en l’acceptant, avec un brin d’humilité et l’envie de faire mieux.

Pis C’EST BEN CORRECT.

J’dis pas qu’il faut arrêter de lire des livres pis de s’informer du mieux qu’on peut, bien au contraire. C’est plus qu’important de continuer d’apprendre – surtout sur les enjeux qui nous touchent pas personnellement -, d’être curieux, empathique, intéressé, consciencieux. But the thing is, si on attend de toute savoir pour prendre la parole… on parlera jamais. J’suis pas non plus en train de dire que de voice une misinformed opinion est la chose à faire. Mais, en tant que femmes (et/ou autres personnes opprimées ou marginalisées), y’a des choses qu’on sait, simplement, parce qu’on les vit au quotidien. Pas besoin de suivre un cours en rape culture pour savoir qu’on a peur, quand on revient chez nous toute seule tard, le soir. Pas besoin de lire un livre sur la diet culture pour savoir qu’on nous rentre dans la tête des standards de beauté inatteignables depuis qu’on est haute comme trois pommes. Pas besoin d’assister à un séminaire sur le slut shaming pour savoir qu’on te jugera si tu vis ta sexualité librement. We know. Pis of course, approfondir nos connaissances sur tous ces sujets-là et tant d’autres est nécessaire et important et cool. Mais on saura jamais tout. Jamais.

Pis ce qui arrive, quand on se prononce pas sur des sujets qui nous touchent (ou qui touchent le monde qu’on aime), quand on ne dénonce pas les injustices, les atteintes à la dignité humaine, c’est que d’autres prennent la parole à notre place. Pis c’est drôle comme le moins les gens en savent sur un sujet, le plus ils en parlent comme s’ils détenaient la vérité absolue. (i.e. voir les hommes dans tous les débats en ligne sur le féminisme, l’avortement, la place des femmes dans X et Y) Faque pendant que les femmes (et/ou autres personnes opprimées ou marginalisées) se taisent sur des problématiques qu’elles vivent parce qu’elles ont peur de s’enfarger dans leurs mots, de ne pas en connaître assez, de ne pas être ~militantes~ enough, d’autres (des hommes, majoritairement) parlent à leur place, avec un centième de leurs connaissances et expériences. Sans gêne. Et disent souvent de la pure et simple bullshit.

C’est comme si, mettons, depuis que t’es petite, t’habites dans la savane pis tu te bats contre des lions. Tu te protèges des lions: tu t’adaptes pour pas te faire manger, tu te bats bec et ongles quand y’en a un qui t’attrape, tu connais les outils, les trucs, les moyens. Tu es très au courant des problèmes que tu rencontres, quand tu te bats contre des lions. T’as fait ça toute ta vie! Pis là, on t’invite à donner une conférence sur comment se battre contre des lions. Tu te dis que t’as jamais étudié ça, toi, combattre des lions. T’as jamais lu de livres là-dessus. Tu dois pas être la bonne personne pour en parler! Faque tu refuses.

À ta place, ils envoient un monsieur à cravate. Il habite en ville, il a jamais vu un lion de sa sainte vie, mais il a étudié le sujet, lu tous les livres  là-dessus  – y’en a même écrit un! Pis là, pendant que toi tu regardes, bruised et griffée et exténuée de toujours te battre contre des lions au péril de ton existence, il affirme, confiant: «C’est pas si pire que ça, se battre contre des lions. Faut juste être motivé! Si tu veux, tu peux!»

C’est ça qui se passe. Sur Internet, en politique, dans la vie. Pendant que des confident rich white men se prononcent haut et fort sur des sujets qui le touchent ni de près ni de loin, et dont ils ne pourront jamais comprendre complètement l’essence, ceux qui sont touchés se taisent… par peur d’avoir l’air nono. Ça devrait pas être de même.

Faisons-nous confiance, la gang! On a le droit – et le devoir! – de prendre la parole pour défendre des causes, pour dénoncer des injustices, même si on a pas la science infuse sur rien. Tant qu’on est curieux, humble, empathique et à l’écoute, c’est correct d’ajouter son grain de sel si ça peut aider à faire changer la patente. À l’ère de la montée de l’extrême droite, des changements climatiques et d’une overall fuckepupness du monde, c’est plus qu’important de le faire.

Chaque voix compte. La tienne, la mienne. Let’s use it.

 

 

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