C'est moi qui décide

J’ai tout le temps le chest qui me squeeze, quand je passe d’un bord de l’Atlantique à l’autre. Quand je pars vers Montréal, quand je reviens à Rome. Je laisse des p’tits bouts de mon cœur des deux côtés, j’imagine que ça explique pourquoi j’le sens toujours un peu brisé. Mais cet intense sentiment de nostalgie, ou ce vague à l’âme, s’explique par plus que ça, je pense. C’est plus que de me sentir tiraillée entre deux maisons, qui feelent jamais complètement like home. C’est plus que de retenir mes débordements, mes sentiments, mes projets, parce que tout est toujours temporaire, en attendant,  d’un coup que.

Ce qui m’habite, chaque fois que je saute dans un avion vers la maison (wherever that is), ce sont des questionnements qui m’effleureraient rarement l’esprit si j’étais restée ici, à Montréal, dans une routine établie, dans un quotidien rassurant. Si j’avais pas décidé de mettre le free dans freelancer su’un crisse de temps.

Je suis extrêmement déplaçable. Ma vie rentre dans deux valises, ma job dans un sac à dos. Je parle trois langues, j’ai deux passeports. J’ai pas d’enfants, j’en veux pas, pis j’ai pas d’amoureux.se - même si ça, j’en veux un.e en esti. Je peux me barrouetter d’un bord pis l’autre de l’océan. Je peux travailler ou vivre dans le désert, en campagne ou sur le bord de la mer. The world is my oyster pis j’ai deux shuckers dans les mains.

Avoir autant de choix, d’options, c’est une chance énorme. Toute qu’un privilège. Je le sais et je tente de me le rappeler aussi souvent que possible. Mais, être aussi déracinable, ça vient aussi avec son lot de questions qui restent, la plupart du temps, sans réponses bien précises. Est-ce que je suis bien? Est-ce que je serais mieux ailleurs? Est-ce que je devrais faire autre chose?

Est-ce que j’aurai un jour des racines solides?

Est-ce que j’en veux?

Est-ce que ma vie sera éternellement faite de nouveaux départs?

Est-ce que c’est ça qui me tente?

Est-ce que je me sentirai un jour à la bonne place?

Est-ce que je suis heureuse dans cette vie que j’ai construite de toutes pièces?

Ça aurait l’air fou, hen, pu aimer une vie dont j’ai choisi toutes, toutes les parties?

Chaque fois que je quitte un nid vers l’autre, ce qui arrive assez souvent, mon cerveau se met en mode analyse, comme s’il devait trouver le bon chemin, celui tout tracé, celui où je peux pas me tromper, celui qui garantit que j’aurai rien à regretter. Pis chaque fois, le dedans me serre parce que je me rends compte que ce chemin-là, il existe pas. Que j’ai beau reviré ça de tous bords, tous côtés, la bonne voie, celle qui m’assure bonheur éternel et sérénité, je la prendrai jamais. J’en aurai toujours des regrets, des what ifs. Ça fait partie de la game d’expatriée: tu peux pas avoir le beurre et l’argent du beurre. C’est comme ça.

Les regrets, la solitude pis un compte en banque moins fourni que je le voudrais, c’est le prix à payer pour une vie faite d’excitation, de découvertes et de nouveauté. Est-ce que ça en vaut la peine? Je l’sais honnêtement pas. Des jours, je déborde de gratitude. J’me pince. J’en reviens pas de ce qui compose mon quotidien. D’autres, j’ai peur de mourir toute seule, d’avoir jamais réussi à m’attacher nulle part, ni à personne, d’avoir perdu mon temps à m’étourdir, loin du métro-boulot-dodo.

On est jamais contents, hen?

Je sais que je rêverais de ma vie, si j’en avais une autre.

J’essaye fort, toujours, de me rappeler que j’ai le droit de me tromper de chemin. Que j’ai le droit de foncer direct dans la forêt, de retourner sur mes pas, de changer de montagne, de laisser des p’tites miettes de pain dans mon sillage ou de pas me laisser trouver. C’est moi qui décide, et c’est censé être beau.

C’est censé être beau.

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