Recommencer à zéro

Il y a exactement deux mois, j’ai fait une Céline de moi-même; je suis partie incognito, bien dans ma peau, dans un pays où personne ne sait qui je suis.

Les soixante derniers jours ont passé à la vitesse de l’éclair; j’ai foncé dans le tas. J’ai eu le temps de m’installer dans une autre vie, de rendre mon appart’ confortable, de découvrir mon quartier et une bonne partie de ma ville, de m’habituer à un nouveau beat de travail, de me faire quelques amis, d’apprendre une base d’italien (en commençant par l’alphabet, you know) et de manger beaucoup (beaucoup).

Malgré les photos bin cute de ma dolce vita et de mes spritzs sur Instagram, chaque jour was a struggle. C’était comme marcher dans un épais brouillard; tout était long, compliqué. Commander un café, acheter une paire de chaussures, lire le journal, dater, cuisiner mon plat préféré, me déplacer du point A au point B, exprimer des émotions complexes dans ma seconde langue, trouver des tampons, mettre la main sur du shampoing qui a de l’allure qui ne coûte pas tout l’or des hommes.

Tou-te.

Je me suis aventuré à tâtons (souvent avec l’aide de Google Map) et chaque mini-accomplissement devenait une grande victoire. Jamais j’aurais pensé avoir le goût d’highfiver un étranger après l’avoir l’aidé à retrouver son chemin – en italien – dans mon propre quartier. C’est l’fun de se sentir si fière pour une pourtant très petite patente.

Mais plus j’avance, de moins en moins dans l’obscurité, plus je me rends compte que se déraciner de cette façon ça vient aussi avec l’immense sentiment d’être… inadéquate.

 Partout.

Tout le temps.

Je ne connais ni la langue, ni les coutumes, ni la culture, ni la politique de mon nouveau pays.

Basically, comme Jon Snow, j’sais rien pantoute.

Pour une pro des mots verbomotrice qui a toujours été un peu fière d’être une know-it-all, ne pas savoir bien s’exprimer ou comment tenir une conversation sur tout et rien, c’est tough en criss.

Quand j’attends sagement qu’un ami me traduise un échange, un menu ou des indications, ou qu’on m’explique comment exécuter une tâche aussi simple que d’acheter des bananes à l’épicerie, j’ai juste envie de crier : «PROMIS, GUYS. AU QUÉBEC, J’SUIS INTELLIGENTE. JE SAIS COMMENT ACHETER DES BANANES.»

C’est spécial, quand même, se sentir niaiseuse aussi souvent.

Ça fait juste deux mois que je suis ici, que vous m’direz. Et vous aurez raison. Je comprends que je dois me laisser le temps de tout assimiler et d’apprendre. Mais ça commence à jouer sur mon moral.

En attendant, ce que ma messy situation a de bon, c’est que de ne rien connaître, ça me ramène à qui je suis vraiment; pas à ce que je sais, pas à ce que je connais, mais à ma personnalité propre.

À moi.  

À comment j’arrive à écouter, à rassembler et à être empathique malgré la barrière de la langue et la différence culturelle. À comment je suis capable de dire «j’le sais pas» et «j’ai pas compris» cent fois par jour même si j’dois constamment puiser dans mon humilité. À comment j’apprends tranquillement à rire de mes erreurs, de ma vulnérabilité et de mon incapacité-de-nouvelle-expat’ au lieu d’en pleurer.  

Aujourd’hui, j’suis une petite fille (de moins en moins) maigre qui marche dans Rome, inquiète. Mais j’dois me rappeler que demain is a new day. Tsé.

 

 

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