L’arrivée au commencement

Hier, je me suis réveillée pour la première fois en Italie. Un peu déboussolée, j’ai ouvert mon téléphone. Ç’a m’a pris trois secondes pour comprendre que mon chez-nous, l’autre bord de l’Atlantique, avait fait une esti de belle niaiserie. Les tatas se sont donné le go. J’ai eu envie de pleurer.

J’ai regardé mes DM sur Instagram. Les Italiens sont forts là-dessus, faut croire, parce que j’en avais une vingtaine. Une vague de «ciao bella, do u want to hang out, u up sexy» s’est abattue sur moi. Parmi les fautes d’orthographe de leur anglais approximatif, un message me frappe: «Feminista stuppida. Go back to Canada». Et un autre: «Rome is a dead city. Your move is dumb».

Là, j’ai pleuré pour vrai.  

J’avais peur.

Peur pour ma province. Peur pour ma planète. Peur que la mononc’itude de mon pays nous emmène encore plus près de la fin du monde. Peur de la montée de l’intolérance partout, même dans mon petit chez nous. Peur d’être trop loin pour y changer quelque chose. Peur des machos. Peur d’avoir fait la plus grosse connerie de ma vie. Peur de m’être trompée d’endroit. Peur de l’homme, avec un petit pis un grand H, pis de son refus absolu de voir plus loin que le bout de son nez. Peur du climat social ambiant, ici pis là-bas.

J’étais terrorisée.

Pis, j’veux pas avoir l’air ésotérique pis flyée (but I am), mais l’univers m’a envoyé une phrase qui m’a rentré dedans comme une tonne de brique. Quelques mots de Gaston Miron, que j’ai vu passer sur les réseaux sociaux:

«Je suis arrivé à ce qui commence.»  

J’sais pas trop pourquoi, mais ç’a m’a fait ravalé mes larmes. J’ai continué de scroller un peu. J’ai vu la victoire orange paritaire de dix humains extraordinaires qui ont donné tout ce qu’ils avaient, tout ce qu’ils étaient, durant les dernières semaines. J’ai entendu les Véronique, Gabrielle, Manal, Anne, Judith, Julie, Émilie, Josiane et toutes les autres; déçues, mais pas abattues. Prêtes à sortir les griffes - pis les casseroles - jusqu’en 2022.

Le cœur gros, mais un brin requinqué, j’ai mis mes souliers, pis j’me suis dit qu’un espresso me remettrait les idées en place.

J’avais pas encore exploré mon quartier (give me a chance, j’suis arrivée il y a 36 heures), mais en descendant les marches de mon appartement du millième étage, j’ai pensé: yo, l’univers (ou le karma ou jeezus ou whatever), si j’suis à la bonne place, please let me know. (J’vous l’ai dit plus haut que je suis ésotérique pis flyée, vous me direz si vous voulez que j’vous tire aux cartes.)

Quelques minutes plus tard dans Pigneto, j’ai franchi les portes du premier café que j’ai croisé, le Tuba. Turns out que c’était un café-librairie… féministe. Une gentille fille au crâne rasé m’a accueilli, fait coulé un café, invité à un festival littéraire féministe qui a lieu ce weekend dans mon quartier, et aidé à choisir mon tout premier roman italien (illustré, faut bien commencer quelque part) qui porte sur… l’amitié au féminin. Girls supporting girls.

 J’suis sortie de là en respirant mieux, le sourire aux lèvres, en me disant que criss que les femmes sont awesome.

 Pis que l’univers est somewhat de mon bord, malgré tout.

Faut juste que je me donne le temps.

Faut qu’on se donne le temps.

After all, on vient juste d’arriver au commencement.  

 

 

 

 

 

 

Previous
Previous

La vie fâchée

Next
Next

Le luxe de crisser son camp