Je suis la poupée qui dit non

Non. Un tout petit mot simple simple, qui est donc ben difficile à dire dans de nombreuses situations. Pourtant, j’ai l’impression que c’est un peu ça, la fameuse clef du bonheur. (C’est cliché, ouin pis, laissez-moé vivre.)

J’ai vu passer un meme, sur Instagram. Ça disait; montre comment t’as changé dans la dernière décennie. J’ai changé pas mal, indeed. Mes sourcils ont (heureusement) repris du poil de la bête, j’ai pris 40 livres and I love it, j’ai arraché mes premiers cheveux blancs, je me suis fait un piercing au septum lors d’une quarter life crisis et mes rides d’yeux m’empêchent de mettre mon eyeliner aussi prestement qu’avant. Mais au-delà de tout ça, c’est entre mes deux oreilles que j’ai changé le plus. Pis j’me suis rendue compte que même si je suis à peu près la même virgo-anxieuse-généreuse-drôle-gossante-stressée-perfectionniste-épicurienne-niaiseuse-overthinkeuse qu’avant, c’est mon habileté à dire non que j’ai travaillé, au cours des dix dernières années. Et pas sans efforts.

À 19 ans, j’étais la reine de la culpabilité. J’me sentais mal pour toute; d’être pas une assez bonne fille, sœur, amie, blonde, employée, étudiante. J’en dormais pas la nuit. (Ou c’était peut-être les cent cafés que je buvais par jour pour passer au travers mes semaines de fou, osti qu’on était bons, pareil, à l’uni.) Pis j’me sentais mal, surtout, de dire non. De refuser. De m’éloigner de ce qui était pas bon pour moi. Ça me faisait pa-ni-quer. Faque au lieu de dealer avec mes affaires, de m’affirmer, je fuyais.

À 22 ans, j’étais dans une longue relation depuis environ cinq ans. Ça faisait pu mon affaire. J’étais pu en amour. Au lieu de break up, comme une personne équilibrée, j’ai pas dormi pendant six mois, j’ai pris mes cliques pis mes claques, pis je suis partie faire ma bum dans l’Ouest canadien sans trop d’adieux. C’était non seulement pas sain, c’était aussi pas fin. Pis ç’a pas aidé ma culpabilité. Cercle vicieux, toé chose; et c’est un exemple parmi tant d’autres.

Au fil du temps, des expériences, des relations, j’ai appris. En devenant de plus en plus sûre de moi, en me connaissant mieux, en passant du temps de qualité en ma propre compagnie, j’ai senti que mes racines de confiance en moi avaient poussé assez pour que je puisse commencer à dire: nope. Non monsieur, cette situation, cette personne, ce projet ne me fait pas du bien. J’en veux pas, ou j’en veux plus.

Je me suis rendu compte que, même si c’est plate, faire de la peine ou décevoir des gens… c’est la vie. Ça arrive. Je pense que le plus grand signe de respect, de toute façon, c’est l’honnêteté – même si, des fois, elle rentre dedans.

En 2017, je me suis lancé un défi; être 100% honnête pendant un an. Je fais ça tous les ans, le 1er janvier, prendre une résolution qui consiste en un seul mot. Je l’ai dit à mes amies, les préparant à ma boldness, et – comme j’ai les meilleures amies du monde – elles ont décidé de se joindre à moi, à leur rythme. On a même créé un hashtag (#honnêteté2017) pour alléger nos discussions, parfois pas faciles. Ça donnait des drôles de conversations.

«S’cuse moi, mais j’suis vraiment pas à l’aise quand tu me parles de cette façon-là, de ce sujet-là. J’aimerais mieux qu’on arrête. #honnêteté2017»

«J’sais que j’t’avais dit qu’on souperait ensemble ce soir, pis j’veux pas inventer de raison; ça m’tente juste pas. J’veux regarder Netflix en pyj. #honnêteté2017»

«T’arrêtes pas de brailler à cause de ton chum, j’pense que tu devrais le laisser pis consulter une psy, parce que moi j’peux plus t’écouter, j’sais pu comment t’aider. #honnêteté2017»

Maudit que ç’a assaini nos relations! C’est rafraîchissant en tabarouette, de se dire les vraies affaires, de dire non, quand ça fait pas notre affaire.

Cette année-là a été révélatrice pour moi. J’me suis rendu compte à quel point j’étais une yes-man, à quel point je disais souvent oui en pensant non, comment je me forçais pour entretenir des relations qui ne me convenaient plus. Mon incapacité à stand-up pour moi-même m’empêchait d’avancer, d’être heureuse et, franchement, d’être qui j’étais vraiment.

Faque j’ai commencé à être crue, directe. À pas attendre six mois avant de mettre mon pied à terre. À m’en aller par en avant avec comme outils dans mes poches mon habileté à communiquer, ma diplomatie pis mon courage. J’ai dit non à une job qui me rendait grise. J’ai dit non à un rythme de vie qui me rendait dépressive. J’ai dit non à moult amitiés qui me tiraient du jus. J’ai dit non à ma peur qui m’empêchait de réaliser mes rêves. J’ai dit non à ma culpabilité paralysante. J’ai dit non aux relations amoureuses qui me faisaient pas sentir on top of the world. J’ai dit non au jugement, le mien et celui des autres. J’ai dit non à ma petite voix qui me disait de me fermer la yeule.

Pis, osti, je respire.

Enfin.

Est-ce que ç’a fait du dommage en chemin? Un peu. J’ai probablement déçu quelques amis, quelques lovers, quelques employeurs. J’ai fait de la peine à ma mère pis à mes chums de filles quand j’suis partie vivre en Italie. J’me suis pété la margoulette une couple de fois, en refusant d’écouter la terreur dans le fond de mon ventre.

Mais pour la première fois de ma vie, je me sens près de moi-même. Je sens que je sais (presque) ce que je veux, ce dont j’ai besoin, ce dont j’ai envie. Je sens que j’avance, que j’apprends, que j’expérimente, que je m’écoute. C’est pas toujours facile, pis c’est clair que c’est un work in progress, mais câline que j’ai plus de fun à vivre qu’avant. Pis, pardonnez mon pessimisme, mais à l’aube de l’apocalypse, me semble que c’est important, avoir du fun à vivre.

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