Récit d'un retour

Si vous lisez ce billet, c’est que vous suivez un tant soit peu mes aventures italiennes depuis mon départ, il y a presque deux ans déjà. Pour faire bref, je me suis expatrié en septembre 2018 en Italie, terre de mes ancêtres, et j’avais l’intention d’y passer un bon, bon bout. Un genre de «ma mère aime pas trop ça» bon bout.

La vie (ou 2020) étant ce qu’elle est, mes plans ont été contrecarrés par la pandémie. Comme ben du monde, mes beaux voyages, ma dolce vita pis mes projets ont pris le bord assez rapidement. J’étais déjà sortie du pays pour une vacance su’l fly quand l’Italie, au plus fort de la crise, a fermé ses frontières. J’ai abandonné mon appart’ à Pigneto, mes choses, pis je suis allée me réfugier au chalet, au Québec. J’ai pleuré, beaucoup, pis j’ai tranquillement repris mes esprits. 

L’anxieuse et hypocondriaque en moi était quand même contente d’être de retour, près des miens, alors que la COVID faisait rage dans mon pays d’accueil. Ça me tordait le cœur de douleur, cependant, de voir les Italiens tant souffrir et, les Québécois, à ce moment-là, se contrecalisser du danger.  J’ai eu peur pour mes amis, peur pour ma famille. Peur à m’en faire oublier de manger, à n’en plus dormir.

Puis, comme un cauchemar, le même scénario catastrophique s’est reproduit ici, dans son intégralité ou presque. Soudain, on me croyait. «On aurait dû prendre ton angoisse au sérieux, désolé.» Et avec le virus qui sévissait ici aussi se sont envolés mes espoirs de revoir mon p’tit coin de pays italien dans un futur proche.

J’ai décidé de stay put, à Montréal, pour quelques mois. Par responsabilité et panique, mais aussi parce que j’avais prévu revenir une couple de semaines, à l’automne, pour lancer un projet sur lequel je travaille depuis longtemps. J’ai trouvé un appart’ charmant dans la Petite Italie (!), je m’y suis installée comme dans un repaire. Et pis ça m’a frappé.

 J’étais de retour.

Back à la case départ.

Dur, dur de décrire le sentiment que m’a provoqué cette ex-expatriation subite, sans préavis. Dans les dernières années, j’ai construit my whole life, mon identité, autour de cette décision, ce life changing déménagement sur un autre continent. Alors que mon déracinement premier m’avait rempli de joie et de grâce – je me sentais donc ben sur mon X -, celui-ci prenait des allures d’exil forcé. Même si j’aurais pu y retourner. Avec un passeport italien, toute se peut. Mais j’ai pris la décision de rester, pour mille raisons.

J’étais pas préparée à dire bye à mon quartier d’amour, à mes habitudes et amitiés construites à grands coups d’apprentissage en arrière d’la tête, au défi que représentait chaque journée en sol étranger, à l’émerveillement qui me prenait aux tripes si souvent. Même si j’étais heureuse d’être en sécurité, près de mes amis et de ma famille, j’ai vécu un deuil. Je le vis encore.

Et je pense que c’est important de le nommer ainsi; un deuil. Même si ça paraît vraiment ingrat, quand on pense aux gens qui sont malades, voire qui meurent, du virus. C’est quoi, la dolce vita perdue compared to that? C’est quoi une job, une opportunité, un appart’, un voyage, un projet perdu compared to that? Pas grand-chose, vous me direz, et vous aurez raison.

Mais ça fait mal pareil.

Pis c’est correct.

Si on fait pas notre deuil de ces affaires-là, de la vie d’avant, on sera pas capables d’avancer. De se plier à ce que l’avenir nous réserve. On a pu le contrôle, et ça fait peur. Qu’est-ce qu’on en sait, du futur? Rien, ou presque. Est-ce que la vie reprendra comme avant? Est-ce vraiment ça qu’on souhaite?

Si on mourn pas ce qu’on a perdu – parce qu’on a tous perdu quelque chose, à part genre Jeff Bezos à marde et autres milliardaires sans âme – on aura pas la force de lutter pour reconstruire un monde meilleur, après sa chute. Et dieu sait qu’il y en a en masse, d’la job! La révolution des dernières semaines, c’est la pointe de l’iceberg. Ça va nous prendre toute notre petit change, toute notre courage, pour continuer de se battre pour contre les inégalités qui ont été révélées au grand jour à cause de la pandémie. Pis pour réinventer notre vie à nous, notre après, pour qu’elle fitte avec le monde nouveau, et avec les valeurs qui nous gonflent le chest d’importance.

J’ai de la peine.

Je m’ennuie de mon Italie, de ma vie bâtie autour de la découverte, de moi et du monde.

Je sais pas trop quand, ni si, ma vie sur le vieux continent pourra reprendre.

Mais c’est correct.

Je panse mes blessures lentement, je lèche mes plaies, parce que je sais que, peu importe ce à quoi il ressemble, le futur a besoin de moi. Il a besoin que je relève mes manches, que je crie, que je pleure, que je dénonce, que j’aime, que je recommence. Over and over. Même si c’est difficile, même si c’est épuisant.

Le futur a besoin de nous, la gang. De nous au complet, de nous en forme, de nous pas traumatisés, de nous qui ont vécu ce qu’on a à vivre.

Prenez soin de vous, okay?

Mon prochain spritz à Rome, dans quelques mois ou dans vingt ans, il sera à votre santé.  

xxx

 

 

 

 

 

 

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