Voyager toute seule, c’est pas juste pour les tough

J’en suis pas à mon premier voyage solo, mais j’en suis pas à mon centième non plus. J’ai commencé à voyager en backpack à 17 ans, mais la première fois que j’suis partie toute seule, c’était en 2016. Après un break up difficile, j’me suis loué une villa bin trop chère, by myself, à Isla Mujeres, au Mexique. Pas Kaboul, vous me direz. Pourtant, j’étais terrifiée. Tellement que j’m’étais développé un truc pour pas faire crise de panique sur crise de panique; j’prenais ça cinq minutes à la fois, pis j’me permettais de faire absolument tout ce qui me tentait. Même si c’était de rester sur le bord de ma belle piscine privée avec un livre toute la journée. Ce serait un voyage sans FOMO, que j’me suis dit. Une étape à la fois.

Tranquillement, j’ai commencé à sortir de mon appart’ de luxe. Pour aller m’acheter des bières. Pour aller visiter un marché de bouffe. Pour aller manger au resto. (Faut croire que mon appétit me pousse à faire bin des affaires.) À la fin de la semaine, j’suis allée m’installer toute seule au bar de l’auberge jeunesse du coin pis j’me suis fait des amis d’un soir. Le lendemain, j’ai fait le tour de l’île en vélo, toute seule, alors que j’avais pas fait de bicik’ depuis 1998.

Ç’a l’air de rien comme ça, mais pour moi, c’était une énorme victoire. La fille anxieuse qui avait peur d’aller déjeuner toute seule sur Masson venait de passer dix jours en sa propre compagnie, pis ça s’était bien passé. J’me suis donné une gigantesque métaphorique tape dans le dos.

Puis, j’suis partie à New York pour le travail, et, après mon contrat, j’ai décidé de rester quelques jours toute seule pour profiter de la ville. C’était la fashion week, et toutes les chambres était bookées partout. J’me suis ramassée dans le fin fond de Brooklyn, dans le quartier Fort Greene, que j’connaissais pas pantoute. J’ai appliqué le même stratagème; cinq minutes à la fois, step by step. J’ai découvert ma rue, puis mon quartier, puis celui d’à côté. Ça s’est bien passé et, pour la première fois, j’ai pu dire que j’ai eu du fun. J’ai même relaxé. Alone. Dans une ville étrangère. Go me!

Tout ça pour dire qu’avant de déménager toute seule en Italie, c’était les deux seules réelles expériences de voyage solo que j’avais derrière la cravate. Entre temps, j’avais réussi à travailler sur mon anxiété avec l’aide de la thérapie et des médicaments, pis je m’étais tranquillement donné des défis pour apprivoisé ma solitude («Okay Elie, aujourd’hui, tu vas monter le Mont-Royal toute seule comme une grande!»), mais still. J’étais encore la fille pô-tough d’avant, qui dormait avec la lumière de la cuisine allumée pis son ourson défiguré (Pauvre Doudou, s’cuse moi!) tous les soirs dans son 3 et demi. Pis j’suis partie pareil.

J’dis pas ça pour me vanter, mais parce que quand je lis des affaires comme celle-là, dans le Devoir, ça me donne l’impression que pour voyager seule en tant que femme, faut être soit la plus courageuse des courageuses, avoir peur de rien ou bin être dérangée entre les deux oreilles. Pis y’a rien de plus faux.

J’me suis jamais sentie aussi forte, fière, puissante, capable que depuis que j’ai commencé à voyager toute seule. À pu attendre après personne pour visiter les villes que j’ai envie de visiter, à me débrouiller, à découvrir, à enjoy le temps passé avec moi-même.

Y’a un saying que j’adore : Fear is ten feet tall and paper thin. Ça résume pas mal ce que je pense de partir seule. Avant le départ, on capote, on dort pas, la tête remplie de what if. Pis une fois sur place, usually, on se rend compte qu’on capotait pour rien, pis qu’on est capable d’handle les défis que la vie nous envoie. Pis qu’on est même capable de les apprécier, des fois.

Est-ce que c’est toujours facile? Non. Est-ce que j’ai peur des fois? Oui.

J’ai la chance pis la malchance d’être née avec une p’tite face cute, qui fait peur à personne pis qui, for a reason, invite les creeps à venir me gosser. Faut que j’prenne les précautions nécessaires, c’est certain. Mais je les prenais déjà à la maison, avant de partir. Être une femme, c’est malheureusement être vigilante partout, tout le temps. Si on attend que la société soit douce avec nous pour faire quoi que ce soit, on fera pu rien pantoute, jamais.

Tout ça pour dire que si tu te dis que y’a juste les filles game pis tough qui voyagent toutes seules, bin c’est pas vrai. Je suis la plus pissouse des pissouses, je suis angoissée tight pis j’ai même emmené Doudou à Rome avec moi (j’niaise pas). J’habite maintenant à l’autre bout du monde, parce que j’avais envie d’aller voir ailleurs si j’y étais, même si j’avais (et que j’ai encore, des fois) la chienne.

Je l’ai dit auparavant, je suis consciente de mon privilège. Mais please, girl, prive-toi pas du plaisir de découvrir de nouveaux paysages en ta propre compagnie juste parce qu’on essaie de te faire peur en te disant que c’est pas safe. Apprendre à faire confiance à ton intelligence, ta bravoure pis ta débrouillardise, je pense sérieusement que c’est le plus beau cadeau que tu peux te faire.

Faque, on part où next?

 

 

 

 

 

 

Previous
Previous

Le droit de rien crisser

Next
Next

Les miettes